Débat Parlementaire sur la Protection des Empreintes Biologiques
Un débat animé a eu lieu récemment au sein du Parlement, centré sur les préoccupations soulevées par les députés en ce qui concerne le risque d’utilisation abusive des empreintes biologiques et génétiques des suspects. Ces inquiétudes sont liées au projet de loi de procédure pénale, qui soulève des interrogations quant à la protection des droits individuels. Pour clarifier la situation, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a pris la parole pour répondre aux questions des parlementaires.
Pouvoir du Procureur Général sur les Expertises
L’article 49, alinéa dix, du projet de loi stipule que le procureur général peut, lorsqu’une enquête nécessite une expertise technique ou scientifique, recourir à des experts pour définir le profil génétique des personnes suspectées d’une infraction. Cette clause a pu susciter des préoccupations, notamment chez les parlementaires qui craignent une intrusion dans la vie privée des citoyens.
Rabia Bouja, députée du groupement Justice et Développement, a exprimé ses réserves à ce sujet. Elle a alerté sur le fait que le texte semble privilégier l’accès du procureur aux empreintes génétiques sans suffisamment protéger les droits des individus concernés. Selon Bouja, ces informations sont très sensibles et devraient être soumises à une réglementation stricte pour préserver l’intégrité et la dignité des citoyens.
Questions Cruciales sur la Conservation des Données
Elle a également soulevé des interrogations importantes sur la gestion des empreintes : où seront-elles stockées ? Qui en sera responsable ? Les laboratoires impliqués disposent-ils de l’accréditation nécessaire ? De plus, elle a évoqué des inquiétudes concernant un éventuel détournement des données à des fins criminelles et les conditions de prélèvement des empreintes.
Un autre point soulevé par Bouja concerne la situation des suspects déclarés innocents. Elle a interrogé la légalité des prélèvements forcés et les procédures de destruction des données, soulignant que ces enjeux sont d’une gravité particulière et doivent être clairement définis.
Appel à une Réglementation Stricte
Abdellah Bouanou, également député, a fait écho à ces préoccupations en rappelant le contexte légal actuel. Il a mis en lumière que, bien que des discussions aient lieu au niveau européen sur les expertises médico-légales, le cadre juridique marocain permet à un policier de demander des empreintes sans respecter rigoureusement les lois sur la protection des données personnelles. Il a dénoncé ce qui, selon lui, est un risque de pouvoir excessif accordé au procureur général dans le cadre des expertises biologiques et génétiques.
Bouanou a insisté sur les implications scientifiques et médicales de ces prélèvements, s’interrogeant sur les conséquences à long terme pour les individus concernés et leur descendance. Il a plaidé pour une réglementation plus stricte afin de protéger les droits des citoyens.
Réponses du Ministre de la Justice
Face à ces préoccupations, le ministre de la Justice a tenté de rassurer les membres du Parlement en affirmant que le ministère n’avait pas omis de prendre en compte ces enjeux. Il a signalé qu’un cadre réglementaire est déjà en place et a évoqué un précédent où l’utilisation d’une empreinte génétique a été refusée par la Cour de cassation suite à des violations de droits durant le prélèvement.
Ouahbi a ajouté que dans certains cas, des suspects ont eux-mêmes souhaité fournir leurs empreintes pour prouver leur innocence, notamment dans des affaires graves comme les viols ou les contestations de paternité. Il a souligné que l’empreinte génétique peut souvent être le seul élément permettant d’établir la vérité.
Vers une Banque Nationale des Empreintes Génétiques
Le ministre a également annoncé un projet en cours concernant l’établissement d’une banque nationale des empreintes génétiques. Il a précisé que de nombreuses questions relatives à la sécurité des données, à leur gestion et à l’accès à cette banque demeurent à l’étude. La possibilité de confier la gestion de cette banque à la Direction générale de la sûreté nationale a également été discutée, mais toute décision nécessitera l’accord de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel.
En définitive, Ouahbi a engagé un dialogue constructif avec les autorités concernées pour élaborer un cadre législatif conforme aux standards internationaux. Il a promis que toutes les démarches effectuées le seront dans l’intérêt général, avec un respect strict des règles établies.