Le droit à l’emploi : un enjeu fondamental
Le travail représente plus qu’une simple activité rémunérée : il incarne un droit fondamental. Cependant, ce droit est constamment menacé par des crises économiques, des défis climatiques et des tensions géopolitiques. Au Maroc, cette réalité est particulièrement frappante, car l’économie du pays peine à générer suffisamment d’emplois. Cette situation soulève des questions cruciales sur les causes sous-jacentes et les conséquences qui, dans les scénarios les plus alarmants, se traduisent par de véritables drames humains. Ces drames, souvent réduits à de simples statistiques, illustrent la désespérance d’un chômeur devenant un chiffre anonyme.
La problématique de l’emploi est essentielle pour un média tel que «Le Matin», qui se doit d’aligner sa ligne éditoriale sur les désirs d’un public en quête de dignité. Selon Mohammed Haitami, PDG du Groupe «Le Matin», la question de l’emploi doit refléter les aspirations de la population. Il insiste également sur la nécessité de réformes visant à améliorer le bien-être des Marocains, ancrées dans le projet sociétal mis en avant par S.M. le Roi. L’État social que le Maroc aspire à construire est intrinsèquement lié à la question de l’emploi, rendant cette problématique non seulement nationale, mais universelle.
Plan gouvernemental : une feuille de route critiquée
Pour faire face à un taux de chômage record de 13,3 %, le gouvernement marocain a élaboré une feuille de route dotée d’un budget de 15 milliards de dirhams. Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, souligne que l’élaboration de ce plan a nécessité plusieurs mois de réflexion. Il avertit que faire des promesses définitives concernant cette stratégie serait illusoire, tant la question de l’emploi est complexe.
Le Maroc a subi plusieurs années de sécheresse qui ont entravé la création d’emplois, surtout dans le secteur rural. Les défis liés au changement climatique sont maintenant structurels, aggravant l’exode rural. De plus, le ministre a fait état d’une perte inquiétante de 500 000 emplois dans le secteur de l’auto-emploi l’année dernière, un chiffre sans précédent. Ce recul reste inacceptable, bien que les mesures de protection sociale aient incité certaines personnes à se déclarer sans revenus dans l’espoir de bénéficier d’aides.
Dans cette optique, le ministre a souligné que l’analyse de la problématique de l’emploi doit prendre en compte trois dynamiques principales : l’emploi salarié, l’auto-emploi et l’emploi non rémunéré. Paradoxalement, alors que l’emploi salarié a progressé grâce aux réformes, l’auto-emploi a chuté, et les emplois non rémunérés, souvent issus de zones rurales, ont aussi fortement reculé.
Les critiques du monde économique
Cette feuille de route du gouvernement suscite peur et scepticisme. D’après Driss Khrouz, économiste, l’hypothèse d’une croissance continue de 7 à 8 % est peu réaliste, car la corrélation entre investissement et emploi est insuffisante. Bien que le secteur tertiaire croisse, il ne contribue pas significativement à la création d’emplois de valeur. Les branches essentielles comme l’agriculture et l’industrie ne parviennent pas à répondre aux besoins.
Malgré cela, Bouchra Nhaili, présidente de l’AGEF, estime que même si la feuille de route ne répondra pas à tous ses objectifs, elle pourrait créer des bases importantes pour des avancées futures. Cependant, elle insiste sur l’importance d’une mise en œuvre rigoureuse et d’un bon suivi.
Les mutations structurelles du marché de l’emploi
Au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les chiffres relatifs au chômage sont pris très au sérieux. Le vice-président Mehdi Tazi évoque une étude menée par la CGEM pour comprendre les transformations structurelles du marché. Le Maroc connaît une détérioration de l’emploi agricole, autrefois très prédominant. Il est crucial de souligner qu’il y a plus de cinquante ans, l’agriculture représentait 80% de l’emploi, tandis qu’aujourd’hui, ce chiffre a chuté à environ 28 %. Cette transition, bien que naturelle, a été mal gérée, conduisant à une incapacité à intégrer efficacement les travailleurs dans d’autres secteurs.
La CGEM met aussi en avant la nécessité d’une réforme du Code du travail et d’une refonte de la formation professionnelle, souvent déconnectée des besoins réels des entreprises. Les recommandations de la CGEM se concentrent sur une implication accrue du secteur privé dans l’élaboration des politiques publiques relatives à l’emploi.
Formation et compétences : un enjeu de taille
Selon Bouchra Nhaili, le marché des compétences au Maroc présente de réelles potentialités, mais une partie des profils disponibles ne répond pas encore aux attentes des entreprises. Les compétences recherchées doivent évoluer pour garantir la pérennité des emplois. Cela nécessite un investissement continu dans l’éducation et la formation, ainsi qu’une reforme en profondeur du système éducatif pour le rendre plus pertinent face aux exigences du marché.
Khrouz abonde dans ce sens et souligne que l’inefficacité de l’enseignement et l’absence de professeurs qualifiés sont des obstacles majeurs. Il préconise des réformes structurelles pour favoriser un environnement propice à la création d’emplois.
La confiance : le nerf de la guerre
La situation actuelle renvoie à un défi de confiance entre le peuple et les institutions. Karim Tazi, PDG du Groupe Richbond, insiste sur la nécessité de renouveler les relations de confiance entre les citoyens et l’État. Les obstacles réglementaires et la corruption demeurent des freins à l’initiative privée. Les réformes entreprises doivent aller de pair avec l’amélioration de la législation, de la bureaucratie et du système judiciaire pour favoriser un climat propice à l’investissement.
Face à ces constats, il paraît impératif de repenser le modèle actuel en plaçant l’emploi au centre des enjeux politiques et économiques. Jamal Belahrach insiste sur le fait que les discutions doivent dépasser les simples promesses et s’attaquer aux vrais problèmes structurels.
Vers un nouveau départ : diagnostics et recommandations
Un diagnostic sérieux montre plusieurs réalités criantes : le chômage est structurel, le système éducatif est inadéquat, et l’inadéquation entre formation et emploi perdure. Les mutations nécessaires à la transition économique sont trop lentes. En réponse, il est proposé d’explorer des solutions proactives et de raviver les échanges entre les secteurs public et privé.
Un plan d’action doit inclure les recommandations suivantes :
1. Renforcer la formation professionnelle.
2. Simplifier le cadre administratif.
3. Améliorer la valeur ajoutée de l’économie.
4. Favoriser la création d’emplois de qualité.
5. Mettre en œuvre un suivi rigoureux et transparent des politiques publiques.
Ces initiatives doivent s’inscrire dans une dynamique collaborative entre les entreprises et l’État, afin d’assurer une meilleure insertion des jeunes sur le marché du travail et de créer un cadre favorable à l’investissement et à l’innovation.