Un programme révolutionnaire de redistribution au Suriname
Le Suriname, un pays modestement développé en Amérique du Sud, est sur le point de vivre une transformation économique majeure grâce à l’exploitation pétrolière. Le président Chan Santokhi a récemment présenté un nouveau programme destiné à redistribuer une partie des futurs revenus pétroliers aux citoyens, un concept qui pourrait marquer une première mondiale.
Le contexte pétrolier du Suriname
Avec des réserves pétrolières considérables, le Suriname projette de devenir un producteur de pétrole d’importance d’ici 2028. La montée en puissance de cette industrie promet des revenus significatifs, tant en termes de fiscalité que de royalties. Chan Santokhi a indiqué que cette initiative fait partie d’une vision plus large pour renforcer la prospérité du pays, tout en garantissant que les bénéfices de cette exploitation soient ressentis au niveau local.
Actuellement, le Suriname se distingue par son bilan carbone positif, absorbant plus de dioxyde de carbone qu’il n’en émet, mais cette tendance pourrait évoluer avec l’essor de sa production pétrolière. En collaboration avec TotalEnergies, qui investit près de 10,5 milliards de dollars dans l’exploitation offshore, le pays se prépare à augmenter sa production à 220 000 barils par jour, contre seulement 5 000 à 6 000 aujourd’hui.
Une redistribution unique
Le programme de redistribution, baptisé RVI (Royalties pour tous), a été conçu par la banque Lazard, conseillant le gouvernement sur l’implémentation de cette initiative. Les premiers bénéficiaires de ce dispositif sont les seniors de plus de 80 ans et les personnes en situation de handicap. Ils ont reçu les premiers coupons, leur permettant d’accéder immédiatement à une somme équivalente à 750 dollars. Cette première phase vise à s’assurer que les groupes les plus vulnérables puissent profiter des bénéfices dès leur introduction.
Les coupons RVI sont des titres qui ne peuvent être encaissés que si l’État commence à percevoir des royalties du pétrole. Ce mécanisme est unique dans le monde; même dans des contextes similaires, comme en Alaska, les distributions à la population proviennent principalement des bénéfices accumulés.
Options pour les jeunes Surinamais
Pour les citoyens âgés de 18 à 59 ans, les coupons ne seront accessibles qu’à partir de 2028, une fois les premiers revenus générés. Ces jeunes adultes auront la possibilité de retirer des fonds ou de les épargner jusqu’à un maximum de 1 275 dollars, avec la promesse d’un intérêt de 7 % par an. Un bonus de 150 dollars sera accordé à ceux qui choisissent d’épargner pendant 10 ans. Ce projet vise à encourager l’épargne plutôt que la consommation immédiate, selon Victorine Moti, responsable du programme.
Un dilemme économique pour les bénéficiaires
Face à ces nouvelles opportunités, les bénéficiaires doivent faire des choix difficiles. Naslem Doelsan, 80 ans, exprime son envie de dépenser son fonds pour améliorer son quotidien, tandis que d’autres, comme Anuschka Tolud, préfèrent économiser pour l’avenir. Ce questionnement sur l’épargne ou la dépense immédiate illustre une réalité complexe, où chacun souhaite maximiser son bien-être selon ses circonstances de vie.
Accessibilité dans un pays rural
La mise en œuvre de ce programme pose également des défis logistiques. Un cinquième de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et il sera essentiel d’assurer que les communautés rurales aient accès à ces fonds et à l’administration de manière équitable. Giovanna Montenegro, universitaire, soulève des interrogations sur l’inclusivité du programme pour les populations indigènes et marronnes. La volonté des autorités de suivre l’évolution de cette initiative, en l’élargissant progressivement à différents groupes d’âge, est un signe d’engagement vers une redistribution équitable des richesses.
La mise en place de ce programme au Suriname pourrait très bien représenter un tournant historique, tant pour les économies émergentes que pour le modèle de gouvernance en matière de ressources naturelles, à condition que les défis d’accessibilité et d’éducation financière soient correctement adressés.