Une lutte stratégique contre la fraude
Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, décrit un phénomène alarmant : l’émergence d’une véritable « industrie de la fraude ». Alors que le ministère des Finances se prépare à faire le point sur les avancées du plan national de lutte contre la fraude lancé en 2023, les chiffres sont sans appel. En 2024, l’administration a détecté environ 20 milliards d’euros d’activités frauduleuses, un montant équivalent à deux fois le budget annuel de la Justice. La ministre vise à doubler cette somme d’ici 2029, soulignant l’importance de lutter contre ces fraudes dans un contexte de tensions financières pour le pays.
Elle affirme : « Nous traquons mieux la fraude ». Cela se traduit par des résultats encourageants : sur les 20 milliards de fraudes identifiées l’année dernière, 13 milliards auraient été récupérés. Concernant la fraude fiscale, la ministre a précisé un montant atteignant 16,7 milliards d’euros, dont 11,4 milliards ont déjà été réintégrés dans les caisses de l’État. Elle a également noté que la fraude fiscale avait doublé depuis 2020, tout comme la fraude sociale a connu une recrudescence depuis 2019. Les avoirs criminels saisis en 2024 ont représenté une multiplication par quatre par rapport à l’année précédente, atteignant 600 millions d’euros.
Un changement de paradigme
La ministre a constaté une transformation notable des méthodes de fraude au cours des dernières années. Cela a évolué d’une approche d’individus isolés vers un véritable modèle industriel, marqué par une forte criminalité organisée visant les politiques publiques. Cela inclut, par exemple, une évitement de près de 250 millions d’euros dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov’, grâce à la détection d’entreprises fictives et de déclarations frauduleuses concernant des travaux. Amélie de Montchalin avance un objectif ambitieux : détecter 40 milliards d’euros de fraudes d’ici à 2029.
Pour y parvenir, elle mise sur une stratégie renforçant le contrôle des déclarations d’impôt sur le revenu, ainsi que sur une proposition de loi devant être examinée prochainement au Sénat, laquelle prévoit la suspension des aides publiques en cas de suspicion de fraude. Elle a également évoqué des mesures pour considérer l’escroquerie aux finances publiques en bande organisée comme un acte criminel, ainsi que la création d’une base de données unique pour recenser les relevés d’identité bancaire frauduleux.
Des objectifs financiers clairs
La récupération des fonds liés à ces fraudes est une priorité pour le gouvernement, qui vise à réduire le déficit public de la France à 5,4 % du PIB d’ici 2025, contre environ 6% pour l’année en cours. Alors que des prévisions de croissance plus faibles sont anticipées, la ministre fait preuve de détermination. Elle souligne que les ajustements nécessaires seront effectués en fonction de l’évolution de la situation financière. De plus, un comité d’alerte sera instauré en avril pour corriger d’éventuels dérapages fiscaux.
Renforcement des contrôles
En 2023, le gouvernement avait promis d’augmenter de 25 % les contrôles fiscaux sur les plus gros patrimoines d’ici 2027 et de doubler les redressements liés à la fraude sociale. Parmi les 1 500 agents supplémentaires destinés à la lutte contre la fraude fiscale, 780 devraient être recrutés d’ici la fin 2025. De plus, la ministre du Travail a annoncé une hausse de 33 % de la détection de la fraude aux cotisations sociales par l’Urssaf, atteignant 1,6 milliard d’euros en 2024. Un nouvel objectif de redressement sera fixé, supérieur à celui de 5,5 milliards d’euros d’ici 2027 fixé l’année précédente.
Malgré ces efforts, les sommes effectivement récupérées ne représentent actuellement qu’une fraction des fraudes détectées. Amélie de Montchalin souhaite remédier à cette situation. Parallèlement, la fraude aux prestations sociales enregistrée par la Caisse nationale des allocations familiales a également augmenté de 20 %, atteignant 450 millions d’euros. Face à ces enjeux, le gouvernement semble déterminé à redoubler d’efforts pour endiguer ce fléau économique.