Analyse des défis de la protection sociale au Maroc
Le Centre de Prospective Économique et Sociale a récemment publié un rapport révélateur sur les défis qui pèsent sur la protection sociale au Maroc. Les conclusions soulignent que le financement de ces programmes, reposant principalement sur le budget public, pourrait bien être insuffisant s’il n’y a pas de nouvelles ressources durables. Ce manque de soutien financier compromettrait des secteurs vitaux tels que l’éducation, la santé ou les infrastructures.
Pression croissante sur le budget de l’État
Le rapport met en évidence que cette pression persistante sur les finances publiques pourrait forcer le gouvernement à envisager des mesures impopulaires, telles que l’augmentation des impôts ou la réduction des aides et de la couverture sociale. Ces décisions pourraient créer des tensions sociales, particulièrement auprès des populations qui dépendent de ces services essentiels.
Face à cette situation inquiétante, l’expertise du rapport appelle à l’action. Parmi les solutions proposées, l’augmentation de la participation du secteur privé, l’amélioration de l’efficacité dans la collecte des cotisations sociales et l’exploration de modèles de financement alternatifs sont cruciales. Ces pistes visent à garantir une solidarité sociale durable sans nuire aux finances publiques ou à la qualité des services dispensés.
Les coûts des programmes de protection sociale
Les dépenses afférentes aux programmes de protection sociale, notamment le soutien social direct et la couverture maladie, représentent un poids de plus en plus important pour les finances publiques. Le rapport indique que depuis le début du programme de soutien social direct, l’État a investi 18,54 milliards de dirhams, en plus de 15,51 milliards de dirhams pour le système de couverture maladie obligatoire. Ces chiffres, qui atteignent plus de 34 milliards de dirhams, mettent en lumière l’ampleur de l’engagement financier de l’État.
Cependant, ce fardeau financier se manifeste dans un cadre économique fragile, caractérisé par un ralentissement de la croissance et une baisse des recettes fiscales, des éléments qui pourraient réduire la capacité de l’État à maintenir ces niveaux de dépenses sans compromettre l’équilibre financier global.
Participation financière insuffisante
Le rapport souligne des lacunes notables dans la participation au système de couverture maladie. Le nombre de travailleurs non salariés inscrits s’élève seulement à 1,68 million, représentant 56 % de la population ciblée, estimée à 3,5 millions. De plus, le taux de recouvrement des cotisations des travailleurs non salariés ne dépasse pas les 37 %, ce qui reflète un écart considérable entre le potentiel de ressources et les cotisations réellement perçues.
Également, plus d’un million de travailleurs issus des secteurs public et privé restent en dehors du système de protection, détenant des couvertures santé via des contrats privés. Cela soulève des interrogations sur l’efficacité et l’universalité du système de protection sociale qui, en théorie, devrait englober tous les citoyens.
L’impasse de l’économie informelle
L’économie informelle représente un autre défi majeur. Ce secteur, qui dépasse 30 % du produit intérieur brut (PIB) et emploie plus de 60 % de la population active, empêche la mobilisation des ressources financières nécessaires au bon fonctionnement des programmes sociaux. L’intégration de ces travailleurs dans le système de protection demeure problématique, car beaucoup d’entre eux, allant des artisans aux vendeurs ambulants, n’ont ni contrats de travail formels ni revenus réguliers. Cela rend pratiquement impossible l’imposition de cotisations sociales.
Le rapport met en exergue que cette situation est un véritable obstacle structurel à la durabilité des initiatives de protection sociale. Les défis relatifs à l’inclusion de ces travailleurs dans le système sont évidents, car sans une couverture adaptée, il sera impossible d’assurer une protection adéquate pour toutes les couches de la population.
Pistes de réflexions pour l’avenir
Pour assurer la viabilité de la protection sociale au Maroc, il est impératif de mettre en œuvre des réformes significatives et d’encourager une meilleure implication de toutes les parties prenantes. Le renforcement du cadre réglementaire et l’adoption de mesures incitatives pourraient faciliter l’intégration des travailleurs de l’économie informelle. Par ailleurs, une collaboration accrue entre le secteur public et privé sera essentielle pour établir un système de financement solide et durable.
Les enjeux sont donc considérables, et le choix des actions à mener dans les prochaines années sera décisif pour l’avenir des programmes de protection sociale, impactant directement les vies de millions de Marocains.