L’économie du care au Maroc : enjeux et perspectives
Une problématique sociétale majeure
Lors d’un dialogue régional centré sur l’économie du care, récemment tenu à Amman, Houssine Ihnach, responsable au sein de la Direction des études économiques et des prévisions financières, a souligné l’importance cruciale du travail de soin dans le contexte marocain. Il a particulièrement mis en avant l’impact de ce secteur sur l’activité économique et l’accès à l’emploi des femmes. L’absence de solutions adaptées pour la garde des jeunes enfants a été identifiée comme un frein significatif à la participation des femmes sur le marché du travail.
Ihnach a dénoncé la reculade du taux d’activité féminine, qui est passé de 30,4 % en 1999 à seulement 19 % en 2023. Cette baisse alarmante de 11,4 points en 25 ans interpelle sur l’importance de repenser les politiques d’inclusion et de soutien à l’emploi féminin.
Une étude actualisée a révélé que 74 % des femmes en situation d’inactivité sont des femmes au foyer. Parmi ces dernières, plus de la moitié cite la garde des enfants et les responsabilités domestiques comme raisons principales de leur éloignement du marché du travail. Les jeunes femmes mariées, âgées de 25 à 34 ans, avec au moins un enfant, sont particulièrement touchées par cette problématique, avec une probabilité d’inactivité atteignant 60 %.
L’impact des contraintes familiales
Le recul de l’activité féminine se constate également chez les jeunes. Depuis 1999, la participation des filles âgées de 15 à 24 ans à la population active a reculé de 61 %, tandis que chez les garçons, ce chiffre est de 50 %. Les raisons sont multiples, mais les responsabilités familiales, surtout le nombre d’enfants dans le foyer, jouent un rôle décisif. Les contraintes engendrées par la prise en charge des jeunes enfants et des tâches ménagères semblent souvent dissuader les femmes de se diriger vers une carrière professionnelle.
Les aspects juridiques du travail domestique
Aïcha Hajjami, universitaire et chercheuse en droit, a aussi apporté un éclairage sur la question du travail domestique dans sa présentation. Elle a exploré les différentes interprétations juridiques entourant la reconnaissance du travail non rémunéré effectué par les femmes au foyer. Son analyse a révélé un besoin urgent de valoriser ces contributions souvent invisibles dans le cadre de la répartition des richesses familiales.
Hajjami a examiné les arguments en faveur et en défaveur de l’obligation du service domestique dans le mariage, ainsi que les fondements historiques de ce rôle féminin selon la jurisprudence. Elle a également fait référence au Code de la famille marocain de 2004 et aux obstacles qui entravent la mise en œuvre de concepts liés à la valorisation du travail domestique.
Vers une intégration de l’économie du care
Bouchra Marouani, représentant le ministère de la Solidarité, a présenté les conclusions de la conférence Internationale sur l’économie du care, tenue récemment à Rabat. Selon elle, investir dans ce secteur ne se limite pas à la création d’emplois, mais permet également de réduire les inégalités entre les sexes et de promouvoir des objectifs de développement durable.
Marouani a mis en avant l’importance de la coopération entre divers acteurs pour intégrer l’économie du care dans les politiques de développement et assurer une protection sociale adéquate.
Un dialogue porteur de changements
Le dialogue à Amman a été organisé par l’Organisation de la femme arabe en collaboration avec plusieurs organismes de l’ONU et a réuni des participants de divers horizons, y compris des ministres et des experts. L’événement a permis d’échanger des bonnes pratiques et de discuter des lois et politiques nécessaires pour renforcer l’économie du care.
Ce rassemblement a souhaité établir une feuille de route régionale afin d’intégrer efficacement l’économie du care comme levier de développement. L’importance croissante de ce secteur ne peut être négligée, tant pour le bien-être des familles que pour la prospérité économique collective.
Conclusion
L’économie du care au Maroc représente à la fois un défi et une opportunité. Avec des politiques adaptées et une reconnaissance accrue du travail domestique, il est possible d’améliorer la situation des femmes et de favoriser leur intégration sur le marché du travail, contribuant ainsi à un développement plus inclusif et durable.
