La nécessité d’un habitat durable au Maroc
Le Maroc se trouve à un tournant crucial en matière d’habitat durable, fortement influencé par une vision royale axée sur la transition écologique. Toutefois, cette initiative ambitieuse doit faire face à des défis notables, dont une inégalité sociale qui restreint l’accès à des logements écoresponsables. Ce sujet a été largement discuté lors d’une récente conférence à Rabat où le thème principal était « Enjeux et perspectives de l’habitat durable au Maroc : Rabat, ville modèle ? ».
Un point de contention majeur évoqué est le coût initial plus élevé des logements durables, qui pousse certains acheteurs à se tourner vers des alternatives moins coûteuses. Pour surmonter ces obstacles, un appel à la collaboration a été lancé, incitant tous les acteurs du secteur, y compris les législateurs, les promoteurs et les consommateurs, à travailler ensemble pour faire de la durabilité la norme dans l’immobilier marocain.
Comprendre l’habitat durable
La durabilité ne se limite pas à un bâtiment qui dure dans le temps. Elle englobe des questions comme la qualité des matériaux, les méthodes de construction et même l’interaction humaine qui entoure ces projets. Un bâtiment durable devrait également être résilient face aux aléas climatiques et s’inscrire harmonieusement dans son environnement. Pour certains experts, comme Zakaria Sadik, la durabilité est indissociable du bien-être humain, car elle implique une consommation réduite en énergie et en ressources.
Les priorités des consommateurs en matière d’immobilier
Malgré la clarté des avantages, l’intérêt des consommateurs pour les logements durables semble encore limité. Les critères principaux tels que l’emplacement et le prix dominent les décisions d’achat, reléguant les préoccupations environnementales au fond de la liste. El Mehdi Rahouti, un acteur clé dans le secteur, souligne que ce sont souvent les valeurs du promoteur qui forgent les projets durables, plutôt qu’une demande explicite du marché.
Dans la pratique, l’incorporation de la durabilité dans les projets immobiliers requiert une approche intégrée dès la phase de conception. Un promoteur impliqué dans les pratiques durables optimisera l’espace pour réduire les matériaux inutiles et maximiser l’utilisation de la lumière naturelle. Il s’efforcera aussi d’utiliser des matériaux locaux et des équipements énergétiquement efficaces, et de concevoir des espaces extérieurs dédiés aux mobilités douces.
Ancrage culturel et durabilité
L’élément culturel joue également un rôle essentiel dans la définition d’un habitat durable au Maroc. Selon l’architecte Mamoun Mechiche Alami, le respect des traditions et des valeurs locales est fondamental pour concevoir des espaces de vie qui ne sont pas seulement fonctionnels, mais qui résonnent également avec le mode de vie marocain. Cela implique de tirer parti de techniques de construction vernaculaires tout en intégrant les principes de durabilité.
L’accessibilité, un défi majeur
Cependant, malgré ces initiatives louables, le coût représente un frein significatif à l’adoption de pratiques durables dans le secteur immobilier. La hausse des coûts de construction a exacerbé la situation, transformant l’habitat durable en un luxe que beaucoup ne peuvent se permettre. Moins de 1 % des logements au Maroc sont certifiés durables, et même ces logements se concentrent principalement sur une clientèle aisée.
Cette réalité met en lumière une fracture sociale indéniable : les bénéfices associés aux logements durables — confort, économies d’énergie, santé — ne sont pas accessibles à tous. En réponse à cette situation, plusieurs acteurs du secteur ont formé un groupement d’intérêt économique, le « Green Building », dont l’objectif est de promouvoir l’habitat responsable et de créer un écosystème durable pour rendre ces initiatives accessibles à un plus grand nombre.
Obstacles à la transition vers un habitat durable
La transition vers un habitat durable souffre également de divers obstacles structurels. Parmi ceux-ci figurent des réglementations obsolètes, un manque de sensibilisation et de formation parmi les professionnels du secteur, ainsi qu’une vision stratégique inadaptée à long terme. Zakaria Sadik fait remarquer que l’impulsion doit venir tant du secteur privé que du public, alors que la législation actuelle est souvent dépassée.
Vers un avenir durable : pistes d’action
Au Maroc, la priorité a longtemps été de fournir des logements accessibles à la population. Aujourd’hui, une prise de conscience croissante émerge quant à la nécessité de concilier accessibilité et durabilité. L’engagement du pays envers la transition écologique, notamment à travers des accords internationaux, montre une volonté d’intégrer des aspects environnementaux dans le développement urbain.
Des discussions sont déjà en cours pour modifier la réglementation bancaire afin d’inciter à l’investissement dans des projets écologiques. En sus, un bon bâtiment durable devrait réduire les sinistres techniques, ce qui pourrait profiter à l’industrie de l’assurance.
La mise en place de solutions innovantes dans le secteur immobilier est aussi essentielle pour créer un écosystème favorable à la durabilité. La transformation de l’habitat au Maroc nécessite une collaboration étroite entre tous les acteurs, depuis le législateur jusqu’au consommateur, de manière à faire de la durabilité une norme plutôt qu’une exception.
Rabat comme modèle de durabilité
Enfin, Rabat émerge en tant que modèle potentiel en matière d’habitat durable, grâce à ses atouts naturels et à ses infrastructures de qualité. Cependant, la véritable réussite de cette initiative dépend de la capacité à appliquer ces modèles de durabilité à d’autres villes marocaines, aussi diverses soient-elles. Il s’agit d’établir des standards élevés pour que chaque région du Maroc puisse bénéficier des avantages de l’éco-responsabilité, garantissant ainsi un futur durable pour tous.