Importation d’un million de moutons : une annonce controversée
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a récemment exprimé son intention d’importer un million de moutons pour célébrer l’Aïd al-Adha. Bien que cette déclaration vise à répondre à la demande populaire, elle soulève des questions sur sa pertinence et la faisabilité d’une telle opération logistique dans un délai aussi court. À moins de trois mois de la fête, l’annonce semble suscite un certain scepticisme, notamment en ce qui concerne la capacité de l’Algérie à réaliser un tel projet.
Un défi logistique colossal
Importez un million de moutons en trois mois représente une tâche de grande envergure. Pour réussir cette opération, il ne suffit pas de passer une simple commande. Cela requiert des ressources considérables telles que des navires spécialement équipés pour transporter le bétail. En général, un « livestock carrier » peut transporter entre 60 000 et 75 000 animaux. Par conséquent, pour répondre à un tel objectif, entre 13 et 16 de ces navires seraient nécessaires.
Cependant, la disponibilité immédiate de ces bateaux pose problème. Leur réservation nécessite une planification préalable de plusieurs mois, et les délais de transport accroissent encore le défi. Les trajets maritimes peuvent effectivement durer de deux à quatre semaines en fonction des ports d’origine. Même avec une flotte importante, réussir un tel transport en un délai aussi limité paraît difficile.
Les normes internationales relatives au bien-être animal constituent également un frein. Ces réglementations exigent que le transport se fasse dans des conditions optimales, ce qui complique encore davantage la mise en œuvre de cette initiative.
Ce que le marché peut offrir
Les pays exportateurs de moutons n’ont pas forcément un volume suffisant à disposition pour répondre à une demande aussi massive. Par exemple, l’Australie, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de moutons, a déjà ses propres engagements à satisfaire, en particulier à l’approche de l’Aïd. Même si un accord pouvait être trouvé rapidement, les contraintes sanitaires spécifiques à chaque pays retarderaient les délais de livraison, ce qui rendrait difficile la satisfaction de cette promesse dans le temps imparti.
Des chiffres qui soulèvent des doutes
L’annonce de Tebboune n’est pas un cas isolé. Le président algérien a souvent été critiqué pour ses déclarations par trop optimistes, parfois même irréalistes. En septembre 2023, lors d’une intervention à l’ONU, il avait annoncé que l’Algérie serait capable de produire 1,4 milliard de mètres cubes d’eau dessalée par jour. Ce chiffre soulève de nombreuses questions, surtout quand on le compare à celui de l’Arabie saoudite, le premier producteur mondial d’eau dessalée, qui ne produit qu’environ 9 millions de mètres cubes par jour.
Un autre exemple marquant est l’affirmation de Tebboune concernant le nombre de « martyrs » de la guerre d’indépendance algérienne. Ce nombre, longtemps établi à 1,5 million, a été revu à la hausse par le président, qui évoque désormais un chiffre de 5,6 millions. Cette réévaluation dépasse toutes les estimations historiques, ce qui suscite encore davantage de scepticisme quant à la véracité des déclarations du président.
Conséquences sur la confiance des citoyens
Ces exagérations fréquentes ont un impact sur la confiance du public envers les autorités. Les citoyens peuvent commencer à remettre en question la crédibilité des annonces officielles. Dans un contexte où les défis économiques et sociaux sont omniprésents, les discours qui privilégient les chiffres spectaculaires au détriment des réalités pratiques peuvent entraîner un sentiment de désillusion.
Les promesses ambitieuses mais inaccessibles ne font qu’accentuer l’inquiétude face à la gestion des ressources nationales et à la capacité des dirigeants à répondre aux besoins de la population. Le climat de confiance, essentiel au bon fonctionnement de toute institution publique, est particulièrement fragile lorsque les annonces des dirigeants manquent de substantiation et de réalisme.
Conclusion
En fin de compte, l’annonce d’Abdelmadjid Tebboune concernant l’importation d’un million de moutons pour Aïd al-Adha soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Avec des défis logistiques colossaux à surmonter et une méfiance croissante vis-à-vis des déclarations officielles, la mise en œuvre de cette initiative semble plus complexe que prévu. La vigilance des citoyens est de mise, alors qu’ils attendent des réponses concrètes et des actions efficaces de leurs dirigeants.