La remontée de l’euro : un défi pour les entreprises françaises
La récente hausse de l’euro face au dollar représente un nouveau défi majeur pour les entreprises françaises qui exportent, alors que leurs résultats financiers sont déjà mis à l’épreuve par des tensions commerciales croissantes. À début juillet, l’euro a atteint son niveau le plus élevé depuis l’automne 2021 contre le dollar, conséquence d’une perte de confiance des investisseurs envers la politique économique incertaine de l’ancien président américain Donald Trump. Sur l’année en cours, la monnaie européenne a gagné environ 13 % de valeur, entraînant des conséquences directes pour les entreprises. Selon Eric Dor, professeur à l’IESEG à Paris, cela signifie qu’un produit européen, sans changer de prix en euros, coûte 13 % de plus pour un acheteur américain.
Un marché américain crucial pour les exportations françaises
Avec 48,6 milliards d’euros de biens exportés vers les États-Unis en 2024, ce pays se positionne comme la deuxième destination des exportations françaises, derrière l’Allemagne. Cette dépendance est particulièrement prononcée pour environ 2000 entreprises françaises qui génèrent plus de 10 % de leur chiffre d’affaires sur ce marché. Les secteurs les plus concernés sont clairement identifiables : luxe, automobile, et industrie en général. Cette situation a déjà des répercussions visibles sur les résultats financiers des entreprises, souligne Stephen Innes, analyste chez SPI AM.
Impact des fluctuations monétaires sur des entreprises emblématiques
Prenons l’exemple de Rémy Cointreau, un acteur majeur dans l’industrie du cognac, qui estime ses pertes dues aux fluctuations des taux de change à près de 9 millions d’euros pour le premier trimestre de son exercice. De son côté, Valeo, équipementier automobile, a dû revoir à la baisse ses prévisions de chiffre d’affaires pour 2025, se basant essentiellement sur un impact négatif de 750 millions d’euros lié à des variations de change. De plus, le groupe Eurazeo a récemment subi une dépréciation de plus de 150 millions d’euros dans la valeur des entreprises qu’il détient, conséquence directe de la baisse du dollar.
Effets cumulatifs sur le marché européen
Les conséquences ne se limitent pas à la France. Des entreprises à travers l’Europe comme Nokia, un poids lourd finlandais des télécommunications, et Puma, un équipementier sportif allemand, ressentent également la pression. Ces entreprises ont enregistré des baisses de leurs performances financières, aggravées par des droits de douane et des fluctuations monétaires. Comme le rappelle Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote Bank, près de 60 % des revenus des entreprises figurant dans l’indice Stoxx 600 proviennent de l’international, ce qui accentue leur vulnérabilité face à la situation actuelle.
Les droits de douane de 10 % imposés par les États-Unis sur certains produits en avril restent un fardeau supplémentaire. Ces frais augmentent le prix d’achat pour les consommateurs américains d’environ 23 %, compliquant encore plus les affaires des entreprises européennes. Ozkardeskaya décrit cette situation comme un « cocktail amer » pour l’économie européenne.
Perspectives d’accord commercial et dépréciation du dollar
Il semble qu’un accord commercial entre l’Union Européenne et les États-Unis soit en train de se mettre en place, avec des discussions autour de surtaxes douanières sur certaines exportations européennes, mais également des exemptions pour des secteurs spécifiques. Dans ce contexte, l’euro continue sa trajectoire ascendante, et les marchés semblent soulagés de ne pas avoir sombré dans la crise, bien que la décision du président américain d’imposer des droits de douane importants sur les importations européennes ait pris de court de nombreux acteurs.
Parallèlement, l’administration américaine s’efforce également de déprécier le dollar, qu’elle juge trop fort, arguant que cette situation nuit à sa compétitivité industrielle. Eric Dor résume cela par la volonté de préserver le dollar en tant que monnaie de réserve internationale tout en le dévaluant. Il avertit que cette stratégie pourrait aggraver un processus de désindustrialisation déjà présent en Europe, altérant ainsi la compétitivité de l’ensemble du secteur industriel européen.
Cette dynamique complexe soulève de nombreuses inquiétudes pour l’avenir des entreprises européennes, qui vont devoir naviguer en eaux troubles pour s’adapter à un environnement en constante évolution.