Une Diffusion Controversée : Le Discours de Donald Trump à la RTBF
Le 20 janvier, lors de l’investiture de Donald Trump en tant que 47e président des États-Unis, une chaîne de télévision belge, la RTBF, a choisi de diffuser son discours dans un format particulier : avec deux minutes de différé. Aurélie Didier, directrice éditoriale adjointe de l’information, a justifié cette décision en faisant mention d’un besoin d’analyse et de réflexion face à des propos qu’elle a qualifiés de « racistes, xénophobes et d’incitation à la haine ».
La RTBF a utilisé ce qu’elle appelle le « cordon sanitaire médiatique », une mesure qu’elle applique depuis plusieurs années pour se prémunir contre la banalisation de certains discours, notamment ceux jugés extrêmes. Elle a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas de censure, mais plutôt d’un outil pour traiter des informations sensibles.
Le Compliment de la Droite Politique
Cette approche n’a pas été sans provoquer des réactions vives. Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement réformateur, a vivement critiqué cette décision, estimant qu’il était inacceptable qu’un président démocratiquement élu subisse ce type de traitement. Il a questionné l’autorité de ceux qui décident ce qui est acceptable ou non à la RTBF, en s’interrogeant sur le rôle de l’information publique.
La ministre des Médias en fédération Wallonie-Bruxelles, Jacqueline Galant, a également manifesté son étonnement, déclarant vouloir comprendre la « méthodologie » derrière cette décision. Elle a mis en avant que d’autres médias belges avaient diffusé le discours en direct, remettant ainsi en question l’efficacité du cordon sanitaire dans le contexte actuel.
Le Cordon Sanitaire Médiatique : Un Outil Historique
Le « cordon sanitaire » en Belgique francophone remonte à la fin des années 1990 et a été mis en place pour éviter de donner une plateforme à des discours jugés contraires aux valeurs démocratiques. Selon Benjamin Biard, professeur en sciences politiques, cette approche vise à restreindre le temps de parole accordé à des partis et personnalités politiques qui pourraient menacer ces principes. Ainsi, les médias sont tenus de contextualiser les propos de l’extrême droite, mais ils peuvent aussi choisir de les diffuser avec des précautions, comme en différé.
Ce principe a été motivé par des événements marquants, notamment la montée du Vlaams Blok, un parti flamand d’extrême droite, qui, en 1991, a fait une percée électorale significative. Ce cadre a pour but d’alerter sur les discours à risque tout en maintenant une certaine liberté d’information.
Les Limites du Cordon Sanitaire
Ce mécanisme, bien qu’ancré dans la loi, suscite régulièrement des interrogations. Par exemple, les critiques sur son application viennent toujours, mais les chercheurs, comme Simon-Pierre De Coster, défendent la sélectivité de ce dispositif, argumentant que la proposition de l’extrême gauche ne présente pas les mêmes risques que celles de l’extrême droite.
Récemment, la discussion s’est intensifiée autour de son applicabilité face à des discours publics comme ceux de Trump. Les médias doivent naviguer entre le besoin d’informer le public et celui de ne pas véhiculer des discours qui pourraient inciter à la haine.
Réactions des Journalistes à la RTBF
La réaction de la RTBF aux critiques a été défendue par la Société des journalistes de la chaîne, qui a évoqué la nécessité de ce différé dans le cadre des règles établies. La SDJ a précisé que la décision était en accord avec les lois et les décrets régissant le cordon sanitaire, corroborant leur position par la nécessité d’éviter les discours incitatifs à la haine.
Martine Simonis, secrétaire générale de l’Association des journalistes professionnels, a également mis en avant que la diffusion différée de Trump n’était pas une rareté, étant plutôt fréquente lorsque des personnalités ou des partis controversés interviennent. Selon ses dires, il s’agissait d’une pratique normale pour gérer les risques potentiels liés à un discours public.
Vers une Réflexion sur la Liberté D’Expression
Ce débat soulève des questions fundamentalistes sur la liberté d’expression dans les médias contemporains, particulièrement dans un contexte où des propos extrêmes sont de plus en plus fréquents. La manière dont les chaînes choisissent de traiter ces discours, souvent polémiques, est cruciale pour le maintien de l’information déontologique tout en restant vigilant face aux conséquences que peuvent avoir de tels discours sur le public.
Ainsi, le cas de la diffusion du discours de Trump met en lumière non seulement les tensions entre médias et gouvernement, mais aussi les défis auxquels font face les journalistes lorsqu’ils doivent équilibrer leur rôle de rapporteurs d’informations et leur responsabilité morale vis-à-vis des contenus qu’ils diffusent.