samedi, juin 7, 2025

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Les Bulgares expriment leur opposition à l’euro.


La montée de l’opposition à l’euro en Bulgarie

La Bulgarie se retrouve dans une situation délicate à l’approche de son entrée prévue dans la zone euro en 2026. Les récentes manifestations, ainsi que des appels à un référendum, témoignent d’une opposition grandissante au sein de la population. Alors que le pays, membre de l’Union européenne depuis 2007, espère devenir le 21e État à adopter l’euro, de nombreuses voix s’élèvent contre ce changement économique majeur.

Mobilisation et scepticisme

Nikolai Ivanov, ancien haut fonctionnaire, résume bien ce climat de méfiance : « Adopter l’euro reviendrait à embarquer sur le Titanic. » De récents sondages révèlent que près de la moitié des Bulgares sont opposés à cette transition. Pour Boriana Dimitrova, directrice de l’institut Alpha Research, cette réticence vient d’une profonde méfiance envers les institutions. Le chaos politique qui a secoué le pays ces dernières années a laissé des traces, et la population redoute des effets néfastes sur son niveau de vie. « Les plus défavorisés craignent d’être encore plus touchés par la pauvreté » souligne-t-elle, alors que la Bulgarie est le pays le moins riche de l’UE avec une population de 6,4 millions d’habitants.

Inquiétudes concernant le pouvoir d’achat

Les réticences sont particulièrement marquées dans les zones rurales. Dans ces régions, de nombreux Bulgares n’ont jamais quitté le pays et n’ont pas l’habitude des transactions en devises étrangères. Les souvenirs de la crise économique de 1996-1997, durant laquelle plusieurs banques ont fait faillite et l’hyperinflation a grimpé à des niveaux alarmants, sont encore bien ancrés dans les esprits. Ces préoccupations alimentent le discours de nombreux politiciens, notamment ceux du parti d’extrême droite Vazrajdane, qui organisent des rassemblements pour exprimer leurs craintes.

Le président Roumen Radev, en mai, a surpris en proposant un référendum sur la question de l’euro. Il a récemment renouvelé ses critiques en affirmant que le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger les ménages les plus vulnérables d’éventuelles augmentations de prix. Selon Eurostat, un tiers des Bulgares étaient déjà confrontés à des risques de pauvreté ou d’exclusion sociale l’année dernière.

Un geste politique controversé

La proposition de Radev, jugée « inconstitutionnelle » par certains juristes, a suscité une forte réaction, notamment de la présidente de l’Assemblée, qui a refusé de la soumettre au vote. Cela a néanmoins ravivé des sentiments anti-européens et renforcé le débat public autour de l’adoption de l’euro.

Propagation de fausses informations

Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion d’une désinformation préoccupante. Des rumeurs, comme celle selon laquelle « Bruxelles confisquerait vos économies pour financer l’Ukraine », circulent largement, tout comme l’idée que le lev, la monnaie bulgare, aurait un statut historique à protéger. Ces fausses informations ont été relayées même par des humoristes, atteignant des millions de vues sur des plateformes comme Facebook et TikTok.

En revanche, les partisans de l’euro peinent à faire entendre leur voix. Ils soulignent que l’adoption de cette monnaie serait une étape essentielle vers un renforcement des liens géopolitiques avec l’Occident et un rempart contre l’influence du Kremlin. Dans les grandes villes, une partie de la population, plus instruite et plus jeune, voit dans cette transition logique un prolongement naturel de l’intégration européenne.

Préparations et craintes persistantes

Les institutions financières bulgares sont prêtes pour ce changement, et le design des nouvelles pièces a même été sélectionné. L’inscription « Dieu, protège la Bulgarie » apparaîtra sur les pièces de deux euros. Toutefois, un grand nombre de citoyens continuent d’exprimer des doutes quant à la valeur de l’euro à l’étranger. Ces incertitudes illustrent un sentiment d’infériorité et un manque d’informations claires, persistants dans ce pays périphérique de l’UE.

Alors que la tension monte autour de cette transition cruciale, il est clair que la Bulgarie se trouve à un carrefour décisif. La pathétique méfiance, nourrie par des souvenirs douloureux et des fausses informations, risque de peser lourd dans la balance lorsqu’il s’agira de faire le saut vers l’euro. Les décisions politiques à venir devront bien prendre en compte ces préoccupations légitimes de la population.

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