Révision des Indemnités Aériennes : Un Nouveau Débat au Sein de l’Union Européenne
La présidence actuelle de l’Union européenne envisage une réforme importante concernant le régime d’indemnisation des passagers aériens. Ce projet vise à modifier le seuil de déclenchement des indemnisations accordées par les compagnies aériennes aux voyageurs victimes de retards ou d’annulations. Ce débat survient dans un contexte préoccupant, où plus de 287 millions de passagers européens ont subi des perturbations liées à des retards et des annulations de vols en 2024.
Un Dossier Politique Sensible
Au sein du Conseil de l’Union européenne, on reconnaît que ce dossier revêt une dimension politique forte. Relancé après un premier échec en 2013, ce projet a reçu un nouvel élan à la suite de la demande de la Pologne, qui assure actuellement la présidence du Conseil pour une durée de six mois. Selon des sources internes, ce sujet est devenu une priorité pour la présidence polonaise. L’objectif déclaré est de clarifier certains termes du règlement actuel, en particulier la définition des « circonstances extraordinaires » qui justifient des retards ou des annulations des vols.
Les Acteurs Aériens en Action
Actuellement, le règlement CE 261, en vigueur depuis 2004, détermine les conditions d’indemnisation liées aux annulations. Selon ce texte, les passagers ont droit à une compensation si leur vol est retardé d’au moins 2 heures pour les trajets jusqu’à 1500 km, 3 heures pour des trajets entre 1500 et 3500 km, et 4 heures pour des vols au-delà de 3500 km. En outre, les compagnies doivent fournir une assistance aux passagers, notamment des rafraîchissements, des possibilités de communication, et si besoin, un hébergement.
La nécessité d’une révision de ce règlement pourrait toutefois jouer en faveur des compagnies aériennes. La proposition, qui reprend en partie celle de 2013, envisagerait de porter le seuil d’indemnisation de trois à cinq heures. Elle pourrait également élargir la distance des vols éligibles à remboursement. Airlines for Europe (A4E), une des principales associations représentant les compagnies aériennes de l’UE, soutient ce projet, en arguant que le règlement actuel est trop détaillé pour certains aspects tout en demeurant flou sur d’autres points essentiels. Cette association inclut des géants comme Air France-KLM et Lufthansa, ainsi que des compagnies à bas coûts telles que Ryanair et easyJet.
Impacts sur les Passagers et Débats Éthiques
Les représentants de l’association la plus influente dans le domaine des recours pour retards aériens, AirHelp, s’élèvent contre ces modifications. Le directeur général, Tomasz Pawliszyn, affirme que l’allongement du délai pour bénéficier d’une compensation ne ferait qu’augmenter les profits des compagnies, tout en négligeant le bien-être des consommateurs. Selon IATA, les bénéfices des compagnies aériennes ont atteint 940 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 6,2 % par rapport à l’année précédente.
Les accusations des compagnies révélatrices d’une crise de confiance surviennent alors qu’aucun élément tangible n’a été avancé pour justifier de telles modifications réglementaires, qui pourraient par ailleurs aggravés la situation des passagers en limitant drastiquement leurs droits. D’après les estimations d’AirHelp, ces changements pourraient priver plus de 80 % des vols touchés par des retards de toute possibilité d’indemnisation. Ils craignent aussi que cette révision n’engendre une grande confusion, en particulier dans un contexte où plusieurs pays ont développé leurs propres réglementations.
Un Futur Incertain pour la Réglementation Aérienne
Le Conseil de l’Union européenne, pour sa part, indique qu’aucune décision finale n’a encore été prise concernant cette réforme. Un travail est en cours pour établir des textes de compromis avec l’appui d’experts, qui permettront d’élaborer une approche générale sur la question. Plusieurs mois pourraient s’écouler avant que des décisions concrètes soient prises sur ce sujet qui alimente le débat depuis plus d’une décennie.
Avec une position à définir et des négociations à entamer avec le Parlement Européen, il semble que l’évolution vers une réforme des droits des passagers dans le domaine aérien ne soit pas pour demain. Les deux institutions devront trouver un accord mutualisé pour que toute modification soit adoptée au niveau de l’Union.