La transformation des liens sociaux au Maroc : Analyse d’une étude récente
Une recherche réalisée par l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES) entre fin 2022 et début 2023 a mis en évidence des changements significatifs dans les liens sociaux au Maroc, fortement influencés par les conséquences de la pandémie de Covid-19. Cette étude, fondée sur un échantillon représentatif de 6.000 participants, illustre comment les dynamiques relationnelles évoluent au sein du royaume.
Évolution des types de liens sociaux
L’étude a scruté cinq types de relations : familiales, amicales, de voisinage, professionnelles et politiques. L’évolution de ces interactions entre 2011 et 2023 montre une tendance générale vers l’amélioration, même si cette progression varie selon les types de liens. Le lien familial s’affiche comme le plus solide, tandis que les relations politiques apparaissent comme les plus fragiles.
Le rôle central de la famille
Les résultats indiquent que la famille est devenue un véritable bastion de soutien matériel et émotionnel. Elle joue des rôles essentiels tels que la protection psychologique, la gestion des tâches ménagères, la prise en charge des enfants et l’accompagnement des jeunes vers l’insertion professionnelle. Ce rôle reste très net malgré les défis posés par la société moderne.
L’amitié en mutation
Concernant les amitiés, l’étude révèle une tendance à la diminution de l’influence familiale dans la formation de ces relations. La perception selon laquelle la famille était le principal facteur de création d’amitiés a chuté de 88 % en 2011 à 57 % en 2023. Cette évolution souligne une ouverture croissante vers des amitiés formées en dehors du cercle familial, témoignant d’une volonté d’élargir les réseaux sociaux.
Impact de la pandémie sur les relations sociales
La pandémie a eu des conséquences mesurables sur les liens interpersonnels, affectant particulièrement les relations familiales et professionnelles. Près d’un tiers des répondants rapportent que les liens familiaux ont été touchés, tandis que les relations professionnelles ont vu une diminution significative, bien que le lien politique soit resté relativement stable.
La période post-pandémie et ses répercussions
Un autre aspect préoccupant révélé par l’étude est l’augmentation des divorces, que 54 % des Marocains attribuent au contexte de la crise sanitaire. De plus, la distanciation sociale a entraîné un éloignement des relations de voisinage, avec une préférence marquée pour des interactions limitées et formelles, réduisant ainsi la convivialité entre voisins.
La dynamique des relations professionnelles
Sur le plan professionnel, les avis demeurent globalement positifs. En 2023, 76 % des Marocains estiment leurs relations de travail satisfaisantes, bien que ce chiffre soit en baisse par rapport à 2016. Cela signifie également que les relations professionnelles ont tendance à rester strictement liées au cadre de travail, limitant l’épanouissement des interactions amicales.
La condition des femmes : Un enjeu crucial
L’évolution des liens sociaux est également intimement liée à la condition féminine. La violence à l’égard des femmes est perçue comme un problème profondément enraciné dans la culture, entravant leur émancipation tant au sein de la famille qu’au niveau sociétal. De plus, la faible représentation politique des femmes est souvent attribuée à des stéréotypes de genre et à un manque d’attractivité des partis en place.
Vers des réformes législatives pour l’égalité
Une prise de conscience grandissante pousse les Marocains à réclamer des réformes législatives pour soutenir des changements sociaux. Une majorité des participants à l’enquête exprime le besoin de renforcer l’égalité entre les sexes, percevant celle-ci comme un facteur d’harmonisation des liens familiaux. La révision du code de la famille est largement soutenue, avec des propositions diverses telles que l’égalité dans les procédures de divorce et la prise en compte de la garde des enfants.
Les liens familiaux : entre local et international
Parallèlement aux transformations des liens sociaux à l’échelle nationale, la recherche révèle que la famille reste un pilier fondamental. Plus de la moitié des Marocains ont des proches vivant à l’étranger et trois quarts d’entre eux s’efforcent de maintenir un contact régulier. Cette dynamique transcende les simples échanges d’informations, générant des relations émotionnellement riches ; 77 % des personnes interrogées qualifient leur lien avec leurs familles à l’étranger comme "excellent" ou "bon". De plus, un indice d’attachement à leur pays d’origine est élevé, reflétant une connexion forte malgré la distance.
Ces résultats mettent en lumière les complexités et les défis des relations sociales au Maroc, en soulignant à quel point la pandémie a pu redéfinir les interactions humaines tout en marquant l’importance persistante des liens familiaux dans un monde en constante évolution.