À travers le Maroc, un phénomène discrètement vibrant prend place chaque année, particulièrement durant le mois de ramadan. Ces femmes, souvent étiquetées comme « moulat mssemen », « moulat lbriwates » ou « moulat lbaghrir », se transforment subtilement en actrices vitales du commerce local. Bien que peu visibles en dehors de cette période sacrée, elles profitent de l’afflux de demande pour offrir une variété de délices culinaires, rendant leur métier essentiel durant ce mois de jeûne.
Ramadan, au-delà de ses implications religieuses, constitue également une véritable chance pour de nombreux petits métiers saisonniers. Ces femmes, confrontées à des difficultés économiques, saisissent cette occasion pour améliorer leur situation financière. Beaucoup d’entre elles pratiquent déjà une activité de vente, mais se voient souvent noyées par la concurrence des commerçants établis et, par conséquent, peinent à tirer leur épingle du jeu pendant le reste de l’année.
Une quête de stabilité dans l’instabilité
Dans un contexte économique marqué par l’inflation, ces femmes cherchent désespérément leur place. Elles arrivent bien souvent tôt sur leur lieu de vente pour s’assurer une place de choix, tandis que certaines, absorbées par leurs engagements familiaux, ne peuvent s’installer que peu avant le f’tour. Cette adaptation témoigne de leur endurance, car la concurrence est parfois rude et les marges bénéficiaires peu élevées.
Ces entrepreneuses réajustent leur offre en fonction des festivités et des traditions, sachant que chaque occasion leur permet de fidéliser une clientèle. Au cours du ramadan, la demande pour leurs produits s’accroît significativement, rendant leurs spécialités très prisées pour l’iftar.
Des histoires de réussite au quotidien
Près d’un supermarché de Rabat, Saida, une femme de 64 ans, reflète l’espoir et le travail acharné de ces vendeuses. Spécialiste de la variété, elle propose des beghirs, msemen, chebakia et briouates, attirant ainsi une clientèle fidèle au fil des ans. “Depuis six ans, je ressens une véritable renaissance pendant le ramadan. Grâce au soutien du personnel du supermarché, je peux travailler dans de bonnes conditions, » partage-t-elle. Sa capacité à se lever tôt pour préparer ses produits est une dépendance à ses efforts pour rentabiliser ce mois crucial.
À l’opposé, Najat est une jeune vendeuse, souriante et énergique, qui s’est bien établie dans le quartier de Takkadoum. Reconnue pour ses excellence en matière de briques et de baghrirs, elle affirme que les ventes atteignent leur pic durant le ramadan. “Les ventes augmentent considérablement pendant cette période, » confie-t-elle. Malgré des marges souvent limitées, elle a réussi à trouver l’équilibre entre son rôle de mère et ses ambitions entrepreneuriales grâce à un petit espace de vente près de chez elle.
Les douceurs marocaines, les incontournables du f’tour
Les pâtisseries marocaines, notamment les chebbakia et briouates, sont tout particulièrement indispensables sur les tables de f’tour. À l’approche du ramadan, plusieurs pâtissières se sentent par moment submergées, allant jusqu’à suspendre les commandes bien avant le début du mois sacré. Les clients, n’ayant pas prévu le coup, se tournent alors vers celles qui se sont artisanées.
Najat, tout comme d’autres, anticipe la forte demande et prépare ses produits en conséquence. “Je commence la préparation en avance et il m’arrive de ne plus avoir de stock,” précise-t-elle. Ce professionnalisme, face à la montée de popularité de ces délices, attire les consommateurs, tout en restant vigilants face à des commerçants peu scrupuleux qui pourraient profiter de la situation.
Un environnement de travail précaire
Le manque d’espace dédié pousse ces femmes à opérer dans des zones non autorisées, souvent en face de boutiques. Cela peut engendrer des conflits avec d’autres commerçants. En parallèle, elles doivent naviguer les interventions des autorités locales qui ne laissent pas passer ces activités illégales. Le risque de confiscation des marchandises lors des descentes de police représente une réelle menace.
Bien que ces femmes cultivent leur dignité et leur indépendance, elles sont souvent confrontées à de nombreux obstacles. Leur commerce demeure fragile, un témoin poignant de leur résilience dans une société qui, bien souvent, les ignore. Le mois de ramadan se révèle ainsi comme un moment clé pour attirer l’attention sur ces travailleuses, dont le savoir-faire et l’engagement assurent des moments de partage et de joie au sein des familles marocaines. Il s’agit d’une période où non seulement elles contribuent à l’économie locale, mais où elles redonnent vie aux traditions culinaires marocaines.